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Dans un arrêt en date du 7 décembre 2021, la cour d’appel de Paris est venue rappeler les conditions d’opposabilité au vendeur des conditions générales d’une maison de ventes aux enchères.

Les faits

En 2013, un particulier a pris attache avec une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (SVV) pour la vente d’un véhicule de collection dont il était propriétaire.

Le 4 septembre, le vendeur a adressé par courriel à la SVV un mandat de vente, stipulant un prix de réserve de 55 000 euros nets, sur lequel il était écrit « CGV au dos ».

Le 9 septembre, la SVV a accusé réception du mandat, en indiquant que le véhicule serait mis en vente lors de la prochaine vente du 13 octobre, et à défaut lors de la vente suivante.

Le 12 octobre, la SVV a confirmé au vendeur que le contrat serait « bien sûr respecté avec le prix de réserve ».

Le 13 octobre, le véhicule n’a pas trouvé preneur.

La SVV a donc décidé de le remettre à la vente lors de sa prochaine vente aux enchères prévue le 15 décembre.

Le 15 décembre, le véhicule a été vendu au prix de 28 000 euros.

Le vendeur a alors reproché à la SVV de ne pas avoir respecté le prix de réserve.

La SVV a contesté avoir commis la moindre faute, opposant au vendeur une clause de ses conditions générales de vente (CGV) stipulant que « en cas de non vente, si le véhicule n'est pas retiré 1 mois après la vente, il sera vendu au meilleur prix dans une vente ultérieure ».

Le vendeur a alors saisi le tribunal de grande instance de Paris aux fins de condamnation de la SVV à lui payer la différence entre le prix de réserve et le prix de vente.

La solution du tribunal, favorable à la SVV

Dans son jugement en date du 14 mai 2019, le tribunal de grande instance de Paris a débouté le vendeur de sa demande.

Le tribunal considérait alors que :

le mandat du 4 septembre 2013 a été signé par le vendeur et comporte, juste au-dessous de sa signature, la mention « CGV au dos », ce dont il résulte que le vendeur a eu nécessairement connaissance de ces CGV et qu’il les a acceptées en signant le mandat ;
l’email adressé par la SVV le 12 octobre, soit la veille de la première vente, indiquant que le contrat serait « bien sûr respecté avec le prix de réserve » ne constitue pas la preuve que la SVV se serait engagée à respecter le prix de réserve pour les deux ventes ;
dès lors que les CGV sont opposables au vendeur, et qu’aucun échange entre les parties, postérieurement à la signature du mandat du 4 septembre 2013, ne vient les remettre en cause, la clause prévoyant la remise en vente « au meilleur prix » – et donc l’abandon du prix de réserve – est valable.

La solution de la cour d’appel, favorable au vendeur

Mais la cour d’appel de Paris, saisie par le vendeur, a fait une autre analyse des faits de l’espèce.

Dans son arrêt en date du 7 décembre 2021, la Cour a au contraire considéré que la SVV ne rapportait pas la preuve de l’acceptation par le vendeur de ses CGV et que, partant, la clause litigieuse ne pouvait être opposée à ce dernier.

La Cour rappelle d’abord qu’il appartient à la SVV, qui prétend avoir respecté les CGV, de rapporter la preuve de leur opposabilité au vendeur.

Même si elle ne le vise pas expressément, la Cour se fonde ici sur le principe d’administration de la preuve posé à l’article 1353 du Code civil selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » (alinéa 1er) et « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » (alinéa 2).

Et tout l’enjeu dans cette affaire réside précisément dans les éléments de preuve fournis par la SVV à la Cour.

La SVV a ainsi produit :

l’email envoyé par le vendeur à la SVV le 4 septembre ;
une première page portant mandat de vente avec prix de réserve de 55.000 euros nets et mentionnant « CGV au dos » ;
une deuxième page comportant les CGV.

La Cour a alors constaté que la première page portant mandat de vente était signée, mais que la deuxième page comportant les CGV n’était ni signée ni paraphée.

Pour la Cour, il n’est pas établi :

ni que la SVV a bien envoyé les CGV au vendeur en même temps que le mandat ;
ni que le vendeur a pris connaissance des CGV ;
ni que le vendeur a approuvé les CGV ;
ni que le vendeur a retourné les CGV à la SVV.

La SVV ne démontre donc pas avoir recueilli l’accord du vendeur sur les CGV, notamment sur la clause litigieuse.

Par conséquent, la SVV est condamnée à indemniser le vendeur de la somme de 29 800 euros correspondant à la différence entre le prix de réserve (55 000 euros nets) et le prix net de frais vendeurs déjà perçu par le vendeur.

La Cour est ici sévère à l’égard de la SVV qui n’a visiblement fourni aucun élément de preuve satisfaisant. Peut-être la solution aurait-elle été tout autre si la SVV avait pu démontrer, a minima, avoir envoyé ses CGV en même temps que le mandat.

Comment éviter cette situation et sécuriser ses CGV ?

L’idéal est de suivre les quatre pistes suggérées par la Cour :

  1. Disposer de CGV légales, lisibles et compréhensibles par le vendeur (pas de clause abusive ni ambiguë)
  2. Envoyer les CGV au vendeur et garder la preuve de l’envoi (facile par email)
  3. S’assurer que le vendeur valide les CGV

Plusieurs options sont envisageables :

  • soit le vendeur signe les CGV (en cas de CGV sur plusieurs pages, il est même recommandé de faire parapher chaque page) ;
  • soit le vendeur, coche une case sur le mandat de vente telle que « j’ai lu et approuve les CGV jointes au mandat » ;
  • soit le vendeur signe le mandat en faisant précéder sa signature d’une mention telle que « j’ai lu et approuve les CGV jointes au mandat ».

      4. Demander au vendeur de retourner les CGV avec le mandat de vente

Cette étape est obligatoire s’il a été demandé au vendeur de signer (et parapher) les CGV. En revanche, elle n’est pas nécessaire s’il a été demandé au vendeur de cocher une case sur le mandat de vente telle que « j’ai lu et approuve les CGV jointes au mandat » ou de faire précéder sa signature d’une telle mention et qu’il n’existe aucun doute possible sur le type de CGV auxquelles il est fait référence.

 

Référence : CA Paris, 7 décembre 2021, n°19/13290 ; Auteur : Marine le Bihan, avocate au Barreau de Paris

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