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Le contenu du texte adopté

L’article 29 de la loi n° 2000-642, du 10 juillet 2000, portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a établi, pour la première fois, une distinction entre les ventes volontaires aux enchères et les ventes judiciaires, définies comme les ventes aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice. Cette même loi a octroyé le monopole sur ces ventes aux officiers publics et ministériels.

L’article 1, I, 2° de l’ordonnance n° 2016-728, du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice a confirmé que les commissaires de justice, en tant qu’officiers publics et ministériels, auront, à compter du 1er juillet 2022, seuls qualité, aux côtés des notaires, pour procéder à ces ventes judiciaires.

Parmi les ventes dites judiciaires, on distingue : 

  • les ventes forcées (par exemple, les saisies-ventes, les ventes sur réalisation de gage, ventes après liquidation judiciaire) qui, pour certaines d’entre elles, s’opèrent sans l’intervention d’un juge, selon les procédures d’exécution forcée fixées par la loi ;
  • les ventes « surveillées », selon la terminologie retenue par le professeur Laurence Mauger-Vielpeau, dites également ventes « autorisées », poursuivies par la volonté du propriétaire ou de son représentant, mais qui doivent néanmoins être ordonnées ou autorisées par une juridiction, afin que soient préservés l’ensemble des intérêts en cause et éviter les contestations ultérieures (par exemple, les ventes d’immeubles et de fonds de commerce appartenant à des personnes sous tutelle, les licitations en vue du partage du produit de la vente d’un bien, les ventes poursuivies par le curateur d’une succession vacante).

Dans leur rapport de mission sur l’avenir de la profession d’opérateur de ventes volontaires remis le 20 décembre 2018, Madame Henriette Chaubon, conseillère à la Cour de cassation honoraire, et Maître Édouard de Lamaze, avocat et ancien délégué interministériel aux professions libérales, ont relevé que le monopole des officiers publics et ministériels sur les ventes autorisées n’était plus justifié  « dès lors que la décision de procéder à […] une vente de biens n’est pas imposée par la loi ou le juge, mais émane directement du propriétaire ». Il s’agit donc selon eux d’actes volontaires qui devraient pouvoir être réalisés par un commissaire-priseur volontaire.

Cette recommandation a été largement discutée par le Parlement.

A d’abord été envisagée la suppression du monopole des commissaires de justice sur les ventes autorisées qui aurait dû entrer en vigueur au 1er juillet 2022, avec maintien du monopole sur les ventes forcées. Les ventes autorisées auraient ainsi pu être confiées aux opérateurs de ventes volontaires.

Mais l’Assemblée nationale a amoindri la portée de cette réforme, puisque, tout en maintenant le monopole de principe des commissaires-priseurs judiciaires sur l’ensemble des ventes dites judiciaires, elle n’a maintenu qu’une seule exception en prévoyant d’inscrire à l’article 505 du Code civil que la vente de biens appartenant à une personne mineure ou majeure sous tutelle, qui doit être autorisée par le conseil de famille ou par le juge, puisse désormais, si l’autorisation prévoit qu’elle a lieu aux enchères publiques, être organisée et réalisée par un opérateur de ventes volontaires. 

Désormais, en application de l’article 6 de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022 visant à moderniser la régulation du marché de l’art modifiant l’article 505 du Code civil, lorsque l’autorisation donnée au tuteur prévoira une vente aux enchères publiques, celle-ci pourra être organisée et réalisée par un opérateur de ventes volontaires.

L’abandon de la jurisprudence de la cour d’appel de Paris

Cette réforme rend obsolète la solution retenue par la cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 31 mars 2021. 

Dans cette affaire portée devant la cour, trois personnes en indivision, dont une placée sous tutelle, avaient décidé de vendre aux enchères treize bronzes de Giacometti. Le juge des tutelles avait autorisé cette vente, qui avait été confiée par le tuteur à la société Artcurial. Cependant, la chambre de discipline de la compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris estimait qu’il s’agissait d’une vente judiciaire et que la société Artcurial avait violé le monopole des commissaires-priseurs judiciaires.

Alors que, dans un jugement en date du 5 septembre 2018 (n° 17/03182), le tribunal de grande instance de Paris avait donné raison à la société Artcurial, la cour d’appel de Paris a au contraire condamné l’opérateur de ventes volontaires pour avoir réalisé une vente judiciaire n’entrant pas dans ses compétences. La cour a ainsi rappelé que « la vente initiée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs et autorisée par le juge, qui prescrit d'y procéder sous la forme d'une vente aux enchères, est une vente judiciaire ».

La raison avancée par la cour était que « la protection de l'intérêt du majeur protégé qui repose sur le seul contrôle du juge des tutelles [...] est mieux assurée dans le cadre d'une vente confiée à un commissaire-priseur judiciaire, ou autre officier ministériel mentionné à l'article 29 de la loi précitée, dont l'activité est contrôlée par une inspection annuelle de ses pairs, mais aussi par le procureur de la République du ressort et dont les tarifs sont règlementés, les frais à la charge du vendeur étant de 5 % du prix de vente et ceux de l'acquéreur de 12 % ». 

Les parlementaires ne partagent visiblement pas l’avis de la cour d’appel de Paris puisqu’ils ont décidé de confier aux opérateurs de ventes volontaires les ventes sous tutelle. 

À moins qu’ils n’aient pas eu connaissance de cette décision de justice, le rapport remis par Madame Henriette Chaubon et Maître Édouard de Lamaze le 20 décembre 2018 faisant état du jugement du tribunal de grande Instance de Paris, mais évidemment pas de l’arrêt de la cour d’appel de Paris.

Une réforme très modeste

La seule exception au monopole des commissaires de justice consiste en la vente de biens de personnes placées sous tutelle. 

Les ventes forcées et les autres ventes autorisées restent interdites aux opérateurs de ventes volontaires.

Par ailleurs, alors que le rapport de Madame Henriette Chaubon et Maître Édouard de Lamaze préconisait que l’inventaire préalable à la vente décidée par le tuteur pût être également réalisé par un commissaire-priseur volontaire, le texte adopté ne fait pas référence à cet inventaire, se contentant de prévoir que la « vente aux enchères publiques du ou des biens mis à disposition […] peut être organisée et réalisée » par un opérateur de ventes volontaires. 

Référence : Loi n° 2022-267, du 28 février 2022, visant à moderniser la régulation du marché de l’art, art. 6

Auteur : Marine le Bihan, avocate au Barreau de Paris
 

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