
Indemnisation d’un propriétaire dont le bien a été revendiqué par l’Etat
Le Conseil d’Etat vient récemment d’apporter un soutien aux propriétaires de biens meubles appartenant au domaine public, revendiqués par la puissance publique.
On sait que les biens conservés par des familles peuvent, lors d’une vente publique, être revendiqués souverainement par l’Etat, en se fondant sur l’article L.111-2 du code du patrimoine. Il appartient bien entendu à l’Etat de faire la preuve de l’appartenance du bien au domaine public, sous le contrôle du juge. Mais, lorsque cette preuve est apportée, le propriétaire, même s’il est de bonne foi, n’a pas droit au paiement du prix du bien, alors même que celui-ci retourne dans les collections publiques et quitte son patrimoine.
Une décision des 10e et 9e chambres réunies du 22 juillet 2022 vient préciser les conditions de cette revendication : « si, en vertu du principe désormais énoncé à l’art. L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens qui relèvent des personnes publiques sont inaliénables et imprescriptibles, le détenteur de bonne foi d’un bien appartenant au domaine public dont la restitution est ordonnée peut prétendre à la réparation du préjudice lié à la perte d’un intérêt patrimonial à jouir de ce bien, lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances dans lesquelles cette restitution a été ordonnée, que cette personne supporterait, de ce fait, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi ».
Par là même, le Conseil d’Etat ouvre droit à l’indemnisation du propriétaire pour la perte de jouissance de son bien.
Bien plus, dans l’affaire précitée, il admet l’indemnisation si la privation du bien représente pour le propriétaire lésé une charge spéciale et excessive, et pas seulement exorbitante. Il assortit sa décision de considérations de fait : la durée et les conditions de bonne foi de la conservation du bien, et l’attitude des pouvoirs publics qui auraient pu revendiquer le bien plus tôt, car il avait été remis antérieurement en dépôt aux archives départementales. Enfin, le Conseil a également admis l’existence d’un préjudice moral également indemnisable.
Le Conseil a admis une indemnisation à hauteur de 10 % de la valeur du bien.
Sans vouloir étendre ce cas d’espèce à l’ensemble des revendications, il est clair que le Conseil d’Etat a voulu signifier qu’elles ne pouvaient pas s’exercer sans aucune contrainte financière, dès lors qu’elles visaient des biens de longue date et de bonne foi détenus par des personnes privées. Cela pourrait inciter les personnes publiques à entrer en négociation lors d’une revendication, cas qui se présente rarement.
Henri PAUL, Président du CVV